Introduction
Tout objectif nécessite un outil approprié. Par exemple : pour boire, il faut un verre ; pour manger, il faut une fourchette, etc. Lorsqu’une personne souhaite remplir sa mission d’éduquer ses enfants, elle doit se demander quel est l’outil avec lequel on peut éduquer. Est-ce la parole ? Ou peut-être des actions ?
L’outil de l’éducation est la force de l’amour que le Saint Béni soit-Il a implanté dans le cœur des parents envers leurs enfants. Pourquoi le Créateur a-t-Il inscrit dans la nature des parents qu’ils aiment précisément ceux qu’ils doivent éduquer ? Parce que c’est uniquement grâce à l’amour qu’il est possible d’éduquer ; sans elle, l’éducation ne peut même pas commencer.
Cela dit, il faut beaucoup de travail pour pouvoir utiliser cet outil. Bien que l’amour existe toujours en nous, elle n’est pas toujours dévoilée de la même manière. Parfois elle se révèle davantage, parfois elle est plus dissimulée. Pour pouvoir véritablement éduquer, il ne suffit pas que l’amour soit présente de façon latente dans le cœur. La capacité d’éduquer dépend du degré de manifestation de l’amour.
Plus cette amour est dissimulée, plus l’aptitude à éduquer est faible. De ce fait, le devoir de l’être humain est de faire en sorte que cet amour se manifeste de plus en plus. L’amour précède l’éducation
L’éducation ne commence pas par « l’éducation » elle-même, mais par l’intensification de l’amour ! Lorsqu’un bébé naît, le père et la mère doivent tout d’abord approfondir et accroître constamment leur amour, en eux-mêmes.
L’amour se compose de deux étapes : son essence et son expression. La première étape consiste à renforcer l’amour dans notre cœur. La seconde étape, à exprimer cet amour. Ce n’est qu’ensuite que l’on peut atteindre la troisième étape, appelée « éducation » ! Si l’on saute les deux premières étapes et que l’on passe directement à la troisième, c’est comme un bâtiment de trois étages dont on aurait supprimé le premier et le deuxième. Qu’arrivera-t-il au troisième étage ? …
L’amour – la majeure partie, l’éducation – la partie mineure
On doit toujours veiller à ce que le renforcement et l’expression de l’amour soient plus importants, en quantité, que les actes d’« éducation » que nous entreprenons ! Par exemple, même si le père a exprimé son amour trois fois dans la journée, il ne peut pas se permettre de donner des consignes éducatives sur deux sujets le même jour.
En vérité, celui qui éduque deux fois par jour est bien loin des véritables chemins de l’éducation. On ne peut véritablement éduquer qu’une fois par semaine, ou toutes les deux semaines, pas plus ! Car avant tout, il faut comprendre ce qu’est réellement l’éducation.
N’éduquer que dans la tranquillité
Le terme « ‘Hinoukh » (éducation) est lié aux mots « hen » (grâce), « ‘hanya » (stationner), et « menou’ha » (repos). L’éducation doit être empreinte de grâce, de tranquillité et doit conduire au bien-être. Une telle éducation ne peut provenir que d’une sérénité intérieure des parents. Si le parent lui-même est dans un état d’agitation, comment pourra-t-il éduquer son enfant à la sérénité ? Comment des parents qui crient sur leurs enfants par manque de paix intérieure peuvent-ils espérer que leurs paroles conduisent leurs enfants vers la sérénité et par la suite à une construction personnelle ?
N’éduquer que dans la grâce
Le but véritable de l’éducation est de déceler les qualités bien cachées en l’individu instruit, de les développer et de les dynamiser! Par le biais de la « grâce » (le « hen »), nous devons découvrir en nos enfants tous leurs points positifs, et les amener à les reconnaître. Puis, grâce à l’éducation, nous amplifions ces forces positives et leur apprenons comment les réaliser .
C’est une éducation qui repose entièrement sur l’amour !
Il est nécessaire d’opérer un changement de perspective radical.
Le moment propice à l’« éducation » survient précisément lorsqu’il y a du « hen » – quand le père perçoit les qualités positives de ses enfants, lorsqu’il est heureux d’eux, quand il les aime. Lorsque l’enfant se conduit mal, on peut certes crier ou lui dire quoi faire, mais on ne peut pas l’« éduquer » à ce moment-là, c’est-à-dire le conduire par la grâce à la tranquillité !
Manières d’exprimer cet amour
La première étape, est de renforcer l’amour en nous. La seconde est de donner une expression à cet amour. On peut l’exprimer par un acte : donner, embrasser ; par la parole ; par un regard, etc. Il existe de très nombreuses manières de montrer que l’on aime vraiment.
Il ne s’agit pas de faire semblant d’exprimer l’amour parce que « quelqu’un nous l’a dit », mais de l’exprimer après s’être réellement intensifiée en nous. Il existe une parabole célèbre du Maguid de Doubna : un maître ne peut inculquer a son élève que si sa propre coupe est, elle-même, si pleine qu’elle déborde vers l’extérieur. Il en va de même pour les manifestations de l’amour : non pas parce que « c’est nécessaire », mais plutôt parce que l’amour déborde de nous et s’exprime naturellement.
Le point de départ est donc : renforcer l’amour en moi-même, renforcer le point de bonté que je perçois en l’enfant, et discerne, chez celui que nous éduquons, et une amplification de son amour jusqu’à son expression concrète.
Vécu et ressenti de l’amour chez les enfants
Jusqu’à présent, nous avons jusqu’ici abordé le point de vue des parents, mais il est tout aussi important que l’enfant lui-même perçoive clairement qu’il est aimé ! Bien sûr, cela doit être réalisé avec discernement, sans poser d’interrogatoire : « Dis-moi, papa t’aime ? Maman t’aime ? Écris les réponses… »
Il est inconcevable de gérer un foyer sans provisions alimentaires ni vêtements. De même, la base doit être claire le besoin psychologique primordial et constant au sein du foyer est que les enfants sentent sans aucun doute l’amour de leurs parents, qu’ils ont à coeur leur bien-être et qu’ils aspirent à leur bonheur !
Tout comme la nourriture, les habits et l’air, le pilier d’un foyer se trouve dans la perception intérieure des enfants. Au plus profond de leur cœur, ils ressentent que leurs parents les aiment constamment, qu’ils manifestent cet amour et agissent en conséquence.
L’éducation n’est utile que si elle découle de l’amour
Quand l’enfant perçoit que les actions sont guidées par l’amour, alors le parent est en mesure de véritablement l’éduquer !
Si l’on dit quelque chose à un enfant et qu’il ne sent pas que cela émane de l’amour de ses parents envers lui, peut-être écoutera-t-il pour la mitsva de respecter son père et sa mère, mais atteindra-t-on le but même pour lequel on l’éduque ? Absolument pas ! Quand le père ou la mère répondent « oui » à une demande de leur enfant, ou lui disent « non », l’enfant ressent-il que le « oui » et le « non » proviennent de l’amour ? Ou bien sent-il que le « oui » est dû à la faiblesse (on n’a pas la force de dire « non »), et le « non » est dû au fait que les parents ne veulent pas investir argent, temps et efforts pour son bien ?
Lorsque l’enfant demande quelque chose et que les parents répondent par un « non », il est essentiel que l’enfant comprenne que ce refus n’est pas le résultat d’un manque d’envie, mais qu’il découle réellement d’une décision jugée être la meilleure pour lui !
Quand le père demande à ses enfants : « Apportez-moi ceci, faites cela », voit-il en ses enfants des serviteurs ? Cherche-t-il leur bien ou le sien ? Lorsque le père demande à son fils un verre d’eau, l’enfant pense parfois — et parfois c’est la vérité — : « Papa est juste paresseux, il n’a pas la force de se lever de sa chaise, alors il me demande… »
Le Rav de Brisk, avant de décéder la veille de Yom Kippour, demanda un service à son fils en lui disant : « Profite de cette dernière occasion ! Ta mère est déjà partie et moi je vais bientôt quitter ce monde. Saisis l’opportunité d’accomplir encore la mitsva de respecter ton père et ta mère, car après ma mort, tu ne pourras plus le faire. »
Un enfant qui entend à la maison des dizaines de fois par jour « Fais ceci, ne fais pas cela », plus encore des dizaines de demandes faites par les parents pour leur propre service, pourra-t-il ressentir que la motivation des parents est l’amour ? Ou n’y verra-t-il qu’un ordre et une discipline ?
Cela ne signifie pas qu’il est interdit de demander de l’aide aux enfants ! Bien au contraire, on le peut et on le doit. Mais examinons la raison profonde de nos demandes : est-ce que je demande de l’aide afin que moi j’y gagne, ou afin que lui et toute la famille apprennent à faire le bien, qu’ils gagnent en responsabilité ?
Souvent, ce n’est pas par pur égoïsme, mais ce n’est pas non plus par préoccupation pour l’autre. Par exemple : les parents demandent à leur fille de balayer la chambre. La fille le fait-elle seulement parce qu’elle a la mitsva d’honorer ses parents et ne peut refuser ? Ou ressent-elle que ses parents l’aiment, qu’ils veulent son bien, et qu’elle aussi, par amour, souhaite leur faire plaisir ?
Il y a un langage intérieur de vie qui se dissipe fréquemment à cause de nos diverses préoccupations. Il n’est pas possible de retirer l’esprit de la maison et d’espérer y trouver tranquillité et bonheur !
En pratique
On ne peut pas éduquer tant que l’éducation ne provient pas du lieu intérieur et authentique de l’amour !
Un foyer où l’on peut éduquer est uniquement un foyer dans lequel les parents :
1. Intensifient sans cesse l’amour qu’ils portent à leurs enfants dans leur cœur.
2. Expriment cet amour régulièrement.
3. Créent une atmosphère dans laquelle les enfants ressentent constamment l’amour de leurs parents.
Par conséquent, en pratique, les actions auxquelles nous, en tant que parents, devons veiller sont :
1. Chaque jour, se recueillir, réfléchir et intensifier notre amour pour nos enfants.
2. Chaque jour, exprimer cet amour de différentes manières. Il est inconcevable qu’un enfant n’obtienne pas chaque jour, ne serait-ce qu’une marque d’amour, même légère !
3. S’efforcer de faire moins de remarques et davantage de louanges — saisir les choses positives et réussies que l’on perçoit chez l’enfant !
Le rapport entre remarques et louanges : environ pour cent manifestations d’amour, on peut se permettre une seule remarque ![Il me semble que le ‘Hazon Ich a dit au sujet des étudiants en yeshiva : pour une parole de critique, il faut une bonne louche de compliments.]
Comment faire une remarque :
a) En étant intérieurement calme.
b) En ayant la conscience claire que je veux le bien de mes enfants, et non par nervosité ou tension.[Bien sûr, il est impossible d’atteindre une perfection totale dans tout ce qui a été dit, car nous restons des êtres humains. Mais c’est cette démarche que nous essayons de bâtir, malgré des chutes occasionnelles.]
[Pour approfondir ce sujet, il est conseillé de consulter le livre « Da et Yelade’ha » (« Apprend à connaitre ton enfant »).]
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Questions et réponses sur l’éducation des enfants[Extrait d’un recueil de questions posées au Rav à la fin d’un cours]
A. Le juste équilibre entre discipline et implication
Question : Faut-il éduquer dans l’autorité ou dans l’amour ?
Réponse : Il faut évidemment les deux : l’autorité et l’amour. Celui qui tente de construire un foyer uniquement sur l’amour édifie un foyer semblable à celui des nations. Celui qui cherche à le construire uniquement sur l’autorité édifie un foyer de « morts » !
Question : Peut-on ordonner un enfant ?
Réponse : On peut ordonner une fois par mois – un mois et demi ! D’un côté, la maison est fondée sur la discipline, sur le pouvoir qu’ont les parents de donner un ordre. Mais cette discipline doit rester « en réserve ». Si elle est constamment mise en pratique, le foyer ne peut se maintenir.
La bonne voie est de parvenir, même lorsque nous exigeons des enfants, à les amener à réfléchir et à décider d’eux-mêmes.
Par exemple, si les parents veulent que les enfants aident à la maison la veille de Shabbat, afin d’accueillir Shabbat correctement, on peut le faire sous forme de contrainte : « Toi, tu fais ceci, et toi, cela », etc. Ou bien on peut les faire réfléchir et proposer : « Que peuvent faire les enfants à la maison pour que Shabbat soit accueillie de la meilleure façon ? »
Question : Quel est l’inconvénient de simplement donner des ordres sans impliquer les enfants ?
Réponse : Les parents veulent-ils élever des enfants capables de s’écouter eux-mêmes lorsqu’ils seront grands ? Si la maison se construit uniquement sur la contrainte, l’enfant s’habituera à n’écouter que lui-même ! De plus, quel niveau de lien y aura-t-il entre les parents et les enfants ?
D’un côté, il faut développer chez l’enfant la capacité de pensée autonome, et de l’autre, il doit savoir que si je lui dis quelque chose, il doit m’écouter. Cependant, avant tout cela, nous devons développer ses qualités intérieures grâce à l’amour.
B. Faut-il faire des remarques dans diverses situations et de quelle manière
Question : Si un enfant prononce un mot insolent à l’égard de son parent, comment réagir ?
Réponse : Une insolence extrême doit être immédiatement arrêtée. Mais si ce n’est pas très grave, il faut attendre quelques jours et, lors d’une conversation, lui demander : « Que penses-tu, comment un enfant doit-il parler à ses parents ? » En général, il en arrivera de lui-même à la bonne conclusion.
Question : Peut-on s’abstenir de faire une remarque à un enfant de neuf ans qui arrache une fleur le Shabbat ? [Il sait que c’est interdit mais l’oublie…]
Réponse : Il ne faut absolument pas le corriger sur le moment ! Il est préférable d’attendre plus tard et d’aborder le sujet de manière indirecte [Il est probable qu’il ne l’ait pas vraiment « oublié », mais qu’il veuille oublier…].
C. Pousser l’enfant à étudier
Question : Un enfant qui parfois aime étudier, mais aime aussi jouer, doit apprendre avec son père le soir et il refuse. Quelle est la limite ? Quand et jusqu’où faut-il le pousser ?
Réponse : Tout ce qu’il faut faire, c’est augmenter son amour de l’étude. Le pousser à étudier ne servira à rien. Le « pousser » provoque en général l’effet inverse.
Le secret est seulement d’augmenter son amour pour l’étude. Si nous ne parvenons pas à accroître cet amour, mais que nous augmentons seulement le temps d’étude, nous créons exactement le processus inverse. Voulons-nous que nos enfants étudient parce qu’« ils sont obligés » ou parce qu’ils aiment étudier ? Et c’est de cet amour qu’ils étudieront. Si l’on ne fait que multiplier l’étude sans développer l’amour, cela ne pourra pas durer à long terme !
Question : Comment renforcer chez l’enfant l’amour de l’étude ? Et faut-il ajouter du temps d’étude jusqu’à ce que cela se produise ?
Réponse : Il faut donner à l’étude une dimension plus significative et plus attrayante, à la fois extérieurement (stimulants externes dans l’étude) et intérieurement (une profondeur intérieure qui suscite un intérêt, une quête). Il faut adapter cela à la nature de chaque enfant.
Cela doit se faire avec les personnes appropriées. Tout le monde ne sait pas le faire. Quoi qu’il en soit, il faut créer chez lui une expérience positive au sein de l’étude, sans augmenter le temps d’étude pour l’instant ! Si nous essayons immédiatement d’en rajouter, nous dépassons ses capacités ! La première étape est de renforcer son amour, même si cela prend six mois ou un an, peu importe. Une fois que nous aurons renforcé et intensifié sa volonté, presque naturellement, il voudra consacrer plus de temps à l’étude.


